mercredi 25 janvier 2012

# Culture # la littérature

Lessia Oukraïnka: une poétesse ukrainienne par excellence


Lessia Oukraïnka (1871-1913)

« Non, je suis vivante, je vais vivre toujours, j’ai un cœur qui ne meurt pas... »



Une poétesse ukrainienne par excellence comme l'indique son pseudonyme (le mot «Oukraïnka» signifie «Ukrainienne») Lessia Oukraïnka (un vrai nom Laryssa Kossatch-Kvitka) naît en 1871 et décède en 1913. Une forte personnalité, extrêmement fine et sensible, elle écrivait non seulement pour les lecteurs de son pays mais aussi pour les lecteurs du monde entier. Durant sa courte vie, elle a réalisé une démarche inédite qui a enrichit énormément la littérature ukrainienne et mondiale.






« Je n’ai pas fréquenté l'école, j’ai étudié tout ce que j’avais envie, je pouvais lire n’importe quel livre sans aucune gêne»

A gauche Lessia Oukraïnka avec son frère

                Lessia Oukraïnka a été instruite par ses parents au sein de la maison familiale. A part l’ukrainien et russe elle a maîtrisé plusieurs langues étrangères comme par exemple le français, l'allemand, l'anglais, l'italien, le grec, le latin et les langues slaves.

         Chez ses parents, se rassemblaient souvent les écrivains, les peintres et les musiciens. Dès son petit âge Lessia assistait aux soirées littéraires et aux concerts de famille qui la favorisait à se former intellectuellement. Concernant le développement de sa vision du monde, elle a été beaucoup inspirée par son oncle Mykaïlo Dragomanov (une personne éminente de la culture ukrainienne). Il l’aidait comme un critique littéraire et notamment comme un folkloriste. C’est peut-être pour cela que Lessia appréciait les récits et les chansons folkloriques ukrainiens qu’elle utilisait souvent dans ses poèmes et qui ont été édités plus tard dans ses recueils. 

                A 10 ans elle souffrait de la tuberculose des os. Pour cette raison elle a séjourné dans les hôpitaux en Allemagne, en Italie, en Crimée (région ukrainienne) etc. A travers ses nombreux voyages médicinaux elle s'est enrichie au niveau intellectuel et émotionnel. Suite à ces voyages elle donne naissance à ses œuvres, témoins de son vécu.

"Sur les ailes de chansons"
premier récueil poétique. Lviv, 1893

Son premier vers elle a écrit à l’âge de 9 ans (L’espoir, 1878) et déjà, en 1884, ses quelques poésies ont été publiées dans les revues littéraires. Dès son début on remarque déjà les nouvelles tendances distinctes de ses œuvres face aux auteurs de son temps. A cette époque les sujets dominants de son écriture sont la beauté de la nature, les réflexions sur le rôle du poète, les sentiments personnels. 

Vers les années 1880, Lessia voyageait à travers l’Ukraine de l’ouest où elle a rencontré beaucoup de jeunes écrivains qui l’ont fait entrer dans un cercle artistique. A cette époque elle a déménagé à Kiev (capitale d’Ukraine) et son talent de poète a pris de la valeur et de la reconnaissance artistique. Avec son frère elle a fondé un club littéraire « La Pléïade », où les jeunes intellectuels s’occupaient de la propagation de la langue et culture ukrainienne. C’est à cette période qu’elle a consacré aussi beaucoup de temps aux traductions des œuvres de la littérature classique. Parmi celles traduites par Lessia Oukraïnka on trouve la poésie de l’ancien Egypte, les vers d’Homère, les poèmes de Heine, les œuvres d'Hugo, de Dante et de beaucoup d'autres.

    A partir de la fin des années 1880, Lessia a commencé à recueillir les textes et les chansons de la littérature folkloriste ukrainienne. Elle rassemblait le folklore des régions d’Ukraine (Poltava et de Volyn’) qui est devenu plus tard le sujet principal de toutes ses œuvres.Vers les années 1890 Lessia s'est éloignée des thèmes de la poésie lyrique antique, des mythes et du thème de la femme guerrière. Au début du XX siècle elle a écrit plus de cent poèmes dont la moitié était des publications posthumes. Ses œuvres les plus célèbres de cette période sont Contra spem spero et Paroles, Que n'êtes-vous dur fait d'acier. 

         En 1896 Lessia Oukraïnka a rédigé un pamphlet politique «La voix d’une prisonnière russe » pour la presse française. Par cet article Lessia critiquait les artistes français qui ont fait une réception somptueuse de l’empereur russe Nicolas II à Versailles en 1896. Elle voulait le publier dans les journaux français socio-démocratiques mais cela n’a pas été fait. 

          Plus tard en 1902 est sorti son troisième recueil de poèmes « Les Echos ». Sa manière d’expression via une pensée lyrique, évolue vers quelque chose de plus moderne, elle se détache de son lyrisme particulier. Ses héros ont à la fois les traits romantiques et réalistes en eux. Pour nourrir l’aspect expressif de ses poésies elle a utilisé les thèmes provenant de caractères de la société ukrainienne. Lessia prenait souvent les symboles folkloriques devenant une particularité significative de ses œuvres. 
Représentation théâtrale de la Chanson Sylvestre 

        Par ailleurs Lessia Oukraïnka a été une grande amatrice de théâtre,  elle écrivait aussi des œuvres dramatiques même étant poète, devenant progressivement jusqu'à la fin de sa vie une dramaturge. Avec la thématique ukrainienne elle s’occupait également de la réécriture des mythes littéraires. Par exemple, La chanson Sylvestre (1911) est une version originale de la légende de Graal et Le Maître de pierre (1912) est le premier Don Juan écrit par une femme. 

En utilisant les thèmes de la littérature mondiale, Lessia Oukraïnka crée ainsi un nouveau genre littéraire – un poème dramatique. L'évolution de son héritage poétique généralement contient presque tous les domaines de l’esthétisme culturel. Ce sont par exemple l'expression de l’harmonie et la paix, la beauté et le laid, l’héroïsme et l’ironie. Ses oeuvres reflètent ses sentiments mélancoliques et  incarne le charme féminin de son âme. C’est surtout le folklore et les éléments de l’art ukrainien qui forment le style significatif de Lessia Oukraïnka.

« Ne pas mettre l’inspiration aux fers »

            Lessia Oukraïnka était l’une des premières dans la littérature ukrainienne à avoir remarqué l’incompatibilité de la forme et du contenu dans les oeuvres de la plupart des écrivains.  Malgré cela, sa philosophie d'auteure était de « ne pas mettre l’inspiration aux fers ». Elle comprenait très bien que les idées différentes ne [peuvent] pas être dans les mêmes cadres et que c’est à l’auteur que revient le droit de choisir le chemin de sa création artistique. Toute sa vie elle souhaitait que l’art devienne libre et que les gens développent leur personnalité sans aucune interdiction. Mais elle était justement toute sa vie "mise aux fers" par la tuberculeuse avec qui elle a mené « la guerre de Trente Ans » et qui finalement a eu raison d'elle. 
Lessia Oukraïnka est morte à l’âge de 42 ans. Cependant, elle a laissé un grand héritage intemporel au monde comme elle l'écrivait ainsi : « Non, je suis vivante, je vais vivre toujours, j’ai un cœur qui ne meurt pas...».

                   En Ukraine, un musée littéraire et un mémorial dédiés à l'ensemble de son oeuvre mais également à Toronto au Canada, une statue a été créé en son hommage. Les avenues de la plupart des villes ukrainiennes portent le nom de Lessia Oukraïnka.
Contra spem spero
Fuyez au loin, oh mes pensées, lourdes nuées d'automne
Car voici revenu le printemps lumineux
Pourquoi faut-il donc que mes jeunes années
S'écoulent dans la peine et l'écho des sanglots?


Non, à travers les larmes, je garde le sourire
Et je chante au milieu des malheurs,
Sans espoir, je veux espérer quand même,
je veux vivre : fuyez, pensées qui m'accablez !

Sur notre terre si dure et si aride,
Je m'en irai, semant des fleurs brillantes,
Dans la neige glacée je planterai des fleurs
Et les arroserai de mes larmes amères.

Et l'écorce puissante des glaces
Fondra sous mes pleurs brûlants,
Pour moi alors des fleurs pourront éclore,
M'annonçant enfin un heureux printemps.

Sur la pente abrupte de la montagne,
Comme on porte la croix, je porterai ma pierre,
Et m'élevant avec la charge énorme
J'entonnerai quand même un chant de joie.

Dans la nuit infinie et sombre,
Mes paupières jamais ne s'abaisseront,
Et mes yeux guetteront l'étoile des rois mages
Qui domine les nuits de son brillant éclat.

Oui, à travers les larmes, je garde le sourire
Et je chante au milieu des malheurs,
Sans espoir, je vais espérer quand même,
Je vais vivre : adieu, pensées qui m'accablaient !

Traduit par Kaléna Houzar - Uhryn


Les autres références utiles:
Œuvres dramatiques les plus connues:
Sur les ruines (1904),
La Boyarde (1910),  
La Chanson sylvestre (1911),  
Le Maître de pierre (1912),  
Le Miracle d’Orphée (1913).


Les traductions des œuvres poétiques en français :

Lessia Oukraïnka, Œuvres choisies. Trad. Andriy Swirko, Bruxelles, 1970;
Lessia Ukraïnka, L’Espérance, Choix de poèmes. Trad. Henri Abril, Kyïv, 1978.

Poèmes traduit en français en ligne

Article « La voix d’une prisonnière russe »


Cet article a été publié dans un journal de l'université Rennes 2 L'effeuillée en septembre 2011.



Par Vasylyna GOLOVNYA

3 commentaires:

  1. Billet très intéressant et très bien documenté. Merci.

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  2. Où trouver les livres des traductions des œuvres poétiques de Lessia Ukraïnka ?
    joseph.vandervleugel@skynet.be

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    Réponses
    1. Voici les deux seules traductions conformes au sens et à la prosodie de l'original :
      1. Lessia Ukraïnka (cette graphie est préférable dans la mesure où le pseudonyme choisi par elle vient bien de son pays "UKRAINE" et non pas "OUKRAINE"!), "L'Espérance", éd. Dnipro, Kiev, 1978. Anthologie bilingue de ses poèmes, traduit de l'ukrainien par Henri ABRIL.
      2. L. Ukraïnka, "La Chanson sylvestre", drame-féerie en 3 actes, Dnipro, Kiev, 1985. Traduction intégrale de Henri ABRIL.
      Ces deux livres sont malheureusement épuisés, mais on les trouve à la BNF et dans quelques autres bibliothèques, parfois aussi chez les bouquinistes. On pourra aussi consulter http://henri-abril.fr/lessia-ukrainka-poesie-ukraine

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